vendredi 26 novembre 2010

Tu me fais tourner la tête !

Nous sommes samedi soir, je viens de revenir du Lac Larouche avec mes compagnons de grimpe. Une belle journée! Mais une petite histoire est arrivée ;) Je dirais que cette histoire est pour moi la plus importante depuis le début dans la catégorie « cascade ».

Cette histoire pourrait débuter par « il était une fois (il y a une semaine), chez Allez-Up, un gars qui montait en lead et qui, à ma grande surprise, suite à une chute, c'est retrouvé la tête en bas. Son pied s'était pris dans la corde et l'avait fait basculer ». J'étais tellement surpris de voir ça! J'avais bien entendu été sensibilisé lors de mon cours de lead sur ce danger. Et je savais comment éviter que cela arrive (le grimpeur doit faire attention au passage de la corde derrière ses jambes, l'assureur vérifie le passage de corde). Mais le voir de mes propres yeux, j'étais impressionné. Et je me disais que cela ne m'arriverait sûrement jamais, car moi, je sais!!! Je sais ce que je dois faire pour éviter cette situation ;) Quelle prétention!!


 En arrivant samedi matin au lac Larouche, nous décidons de commencer une 5.8 avec un petit surplomb. La voie est longée par une belle fissure : quelle invitation pour une petite aventure en trad. Donc, je propose de commencer la grimpe. François m'assure. Je pars confiant et assez content : je n'avais pas fait de trad depuis un peu moins de 2 semaines, ça me manquait! Je trouve la voie super agréable : on doit prendre le temps de trouver les petites prises de pied et oser également un peu d'adhérence. J'arrive en dessous du surplomb. Je sais que ce sera la partie délicate de la voie. Mes 2 derniers coinceurs sont solides et j'évalue ma situation en cas de chute : j'ai un vide d’environ 20 pieds en dessous de moi avec des « steppes » de 4-5 pouces sur les côtés (la voie est en forme de V très ouvert). Je me sens assez confiant en cas de chute, mais je décide d'installer une dernière protection au-dessus de ma tête : un excentrique. Je le place à la base du surplomb, je peux donc le mousquetonner avant de m'engager : ça me rassure encore plus. Je tente donc un premier passage. Les prises, dans la fissure, sont franches et s'abordent en « Dülfer». Je progresse bien, mais je m'éloigne pas mal de ma dernière protection. Je ne vois aucune possibilité de libérer une main pour placer une autre protection. J'ai vraiment pas envie de chuter : c'est drôle comment, quelques minutes avant, la chute sur une protection ne me dérangeait pas, mais maintenant, en étant 4 pieds au dessus ma protection, je suis plus nerveux. Je suis tout de même proche d'être capable de me rétablir au-dessus du surplomb, mais il me manque une prise de pied et une 2e bonne prise de main pour me hisser. En haut du surplomb, je suis dans une situation précaire et je ne trouve pas la solution. J'arrive in extremis à dégrimper et je me retrouve à sec sur mon excentrique. Je souffle quelques minutes. Je me souviens avoir dit à voix haute « OK, là... j'ai vraiment la chienne!!» : formule élégante manifestant ma détresse ;) Je décide d'installer une protection encore plus haut (vraiment à bout de bras) en me disant que j'allais essayer de la mousquetonner lors de ma progression sur le surplomb. 2e tentative et.... c'est encore un échec : la dégrimpe est encore motivée par une crainte de chuter sur le coinceur. À ce point-ci, je me dis que c'est très fatiguant cette peur. Que ça m'empêche de finir cette voie. Elle ne doit pas être si difficile tout de même : il ne me manque peut-être qu'un peu d'audace, celle qui me permettrait d'oser m'engager au risque d'une chute, mais après tout, j'ai des coinceurs : c'est leur travail de me protéger. Si je ne peux jamais leur faire confiance, alors je devrais, peut-être, retourner faire de la moulinette, dormir dans un chalet lorsqu'il fait froid plutôt que de dormir dans ma tente, arrêter de grimper quand il fait moins de 20 degrés ;) ( c'est une blague les ami(e)s )


Je pense... non, je suis persuadé que c'est un passage obligé de chuter sur des coinceurs. Il faut bien sûr évaluer la situation. Si on se retrouve juste au-dessus d'un petit plateau, et qu'il y a risque de contact, on doit éviter cette situation et redescendre. De plus, il se peut que la chute déloge un coinceur. Il est donc préférable de garder une marge de sécurité, car la chute peut être plus longue qu'en «sport». Il faut également être conscient que l'efficacité d'un coinceur est directement liée à la qualité de son placement et à la solidité de la roche, des paramètres que nous contrôlons jusqu'àun certain point. Et c'est ce que j'ai évalué avant de décider de réessayer une troisième fois. C'est bien connu, la troisième fois c'est toujours la bonne!! :)  Mes protections, à ce point-ci, étaient : un excentrique no 8 (10 kN), une nuts no 10 (10 kN) et une troisième dont je ne me souviens plus le type. Mais j'étais confiant de leurs placements!


Donc, c'est parti ! Je pars en me disant que c'est la bonne. J'arrive à la position inconfortable. Je suis 4 ou 5 pieds au-dessus de ma dernière protection. Je me dis que je dois y aller, m'engager. Je ne veux pas encore rester coincé là. J'essaie de monter mon pied droit plus haut pour me hisser encore plus... je déplace mon corps au-dessus de mon pied et je pousse sur ma jambe… Et là.... je tombe! Au début la chute est normale. Mais rapidement, ça se gâte !! Et le pire, c’est que je suis très conscient de tout ce qui se passe. Je sens mon corps passer la tête en bas et continuer à tomber. Une longue chute... Je tape ces mots et je sens mon cœur qui accélère. Je revit l'espèce de frayeur, mais aussi je pense, l'excitation du moment. Je n'ai jamais imaginé pouvoir me faire mal lors de la chute. Une fois la chute arrêtée, je me suis presque immédiatement redressé. Merci Mr Newton :) Ouf, que d'émotions!!! C'est assez hallucinant. Tout se passe tellement vite. Évidemment, mon assureur, et les autres grimpeurs autour, se sont inquiétés de la situation, mais tout était correct. Une belle chute, une cascade sans conséquence. Immédiatement après, je me suis demandé si j'allais la réessayer. Pour moi, la situation était toujours aussi sécuritaire, voir plus. Mon coinceur est béton ;) Mais une certaine nervosité était apparue quelques minutes après la chute. Je me suis dit qu'il était temps de faire une pose et boire un bon café en repensant à tout cela. Le café était super bon ! J'étais très content d'avoir vécu cette situation sans blessure !!

Alors, que c'est-il passé ? Car après tout, on doit toujours passer par ce moment de questionnement quand quelque chose arrive. Ça permet de comprendre l'enchainement des événements qui mènent à des situations anormales. Mon explication : toute mon attention était focussée sur la résolution de mon problème, arriver à me redresser à la sortie du surplomb. Et j'en ai oublié une règle de base de la grimpe en lead : faire attention au passage de la corde derrière la jambe!! Bien mauvais moment pour oublier ce genre de règle, car le risque de faire une chute augmentait à chaque tentative. Mes forces diminuaient progressivement. Donc, à mon avis, cette chute n'était pas une erreur, mais plutôt un risque évalué. La position « tête en bas» était une erreur due à un manque d'attention, elle-même due à une difficulté technique peut-être trop haute, pour moi, en trad ;)

Une expérience de plus!! :)

2 commentaires:

  1. Ne t'en fais pas avec le crux de cette classique, j'ai personnellement vu 2 amis qui font 5.11 à vue en trad, 5.13 redpoint en sport qui sont tombés exactement au même endroit. C'est sans conteste la plus belle 5.8 de la région, quoique un peu intimidante et difficile à protéger à vue.

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  2. Merci pour l'info ! C'est vrai que c'est une voie vraiment trippante et assez exigeante... même en moulinette.. alors en lead ;)

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