mercredi 17 novembre 2010

La sérénité est-elle un fantasme ?

Je grimpe en premier de cordée à l’extérieur depuis quelques mois, en apprenant sur le tas. J’avais acquis pas mal d’informations dans des livres, en discutant avec d’autres grimpeurs et il faut dire que dans mes pratiques, j’avais un coach aux pratiques très sécuritaire (merci François ;) ). Je pense que ma grimpe la plus forte en premier de cordée à l’extérieur est 5.9. La saison extérieure de grimpe se finissant petit à petit, j’ai fait le cours de premier de cordée chez Allez-Up. Je voulais, évidemment, pouvoir grimper en premier de cordé à l’intérieur, mais aussi parfaire mes connaissances sur ces techniques de grimpe et je ne le regrette pas. J’ai appris l’importance (et la difficulté) d’assurer correctement en premier de cordée. J’ai pris conscience de l’importance d’être un assureur vigilant. L’assureur doit réagir de la bonne manière et au bon moment (pas trop tôt, pas trop tard), en cas de chute. Évidemment, il devra stopper la chute, mais il devra aussi le faire de la façon la moins douloureuse pour le grimpeur. Faire attention de ne pas « sécher » (stopper de façon brusque) le grimpeur dans sa chute. Comme grimpeur, on apprend lors de ce cours, les bonnes manières de grimper en lead, les erreurs à éviter (Z-Clip, Back-Clip par exemple, quand mousquetonner la corde, etc.). Je dirais que ce cours m’a ouvert les yeux sur beaucoup d’aspects de la grimpe en premier de cordée que je n’avais pas réalisés en pratiquant à l’extérieur. Autrement dit, je trouve que le cours a joué son rôle de transfert de connaissance technique (le comment), mais également sur les raisons de ces techniques (le pourquoi).

Fort de ce bagage, et après 2 sessions de grimpe à l’intérieur, les apprentissages sont nombreux. La technique (le comment) prend la place qu’il se doit. On l’utilise à tout moment et les gestes finissent par devenir automatiques. Il est donc très important de faire les bons gestes dès le début. Le mental est un autre aspect qui revêt une énorme importance. Il est à mon avis, et avec ma courte expérience, une source possible de gros problèmes et des meilleurs enseignements. Il est important d’avoir un temps de réflexion après une grimpe (autant comme assureur que comme grimpeur). Parler ensemble de ce qui a bien et moins bien été. Tout cela dans le but de s’améliorer et de faire de nous de sages grimpeurs ;)

Après quelques sessions de grimpe, je dirais que le mental a été notre source d’enseignement la plus intéressante. Vous pourriez me dire « le mental, c’est bien beau, mais après tout, la grimpe n’est que question de capacité musculaire, non ???? » Pas vraiment !!! (J’aime le ton de cette phrase ;) ) Et voici un exemple : je suis dans la 5.9 du mur de premier de cordée. C’est la voie la plus simple sur le mur en devers réservé au premier de cordée. J’ai envie de faire cette 5.9 sur le mur de lead car, chez Allez-Up, c’est comme grimper le Mont Washington ;)… Il y a aussi, sur ce mur, plusieurs ‘Mont-Blanc’ et quelques ‘Everest’ ;). Donc, je suis sur ma 5.9 avec un gros devers et je suis proche de la 5e dégaine. Je sens que mes bras sont pompés, mais surtout je suis nerveux. Peut-être la nouveauté; on regarde ce mur de loin quand on commence à grimper chez Allez-Up, en se disant que ce n’est pas encore pour nous. En tout cas, le fait est que là, je suis dedans : accroché à mes prises avec quelque chose qui ressemble un peu à l’énergie du désespoir ;) !!! Je sens que ma grimpe dans cette voie risque de se terminer bientôt. Pour atteindre ma 5e dégaine, je dois monter encore plus loin, m’engager un peu plus, risquer une plus grosse chute. Et quel est mon réflexe? Je reste dans la situation qui me semble la plus stable; l’endroit où je me trouve (légèrement au-dessus de ma 4e dégaine). Je prends 3 - 4 secondes pour évaluer la situation. Je me fatigue ;). Je dois passer à l’action rapidement. Je me décide et je prends beaucoup de mou sur la corde, car je suis loin de la 5e dégaine. J’ai les jambes qui tremblotent et je sens mes forces m’abandonner. Je suis maintenant dans une situation délicate; j’ai beaucoup de mou sur la corde et je dois absolument mousquetonner. Je deviens nerveux. Dans ce genre de situation, on se doit de réussir, car chuter à la 4e dégaine avec beaucoup de corde, c’est comme chuter à la 3e (voir la 2e) dégaine. C’est vraiment pas une bonne idée. Et avec 40-50 livres de différence avec mon assureur, c’est encore moins une bonne idée (je devrais peut-être engraisser mon assureur, hum, je vais y penser ;) ). Finalement, je finis par mousquetonner ma 5e dégaine, mais nous avons tous les deux eu des sueurs froides. Je suis conscient des risques que j’ai pris. Mon assureur, au moment où j’ai beaucoup de mou, ne peut pas faire grand-chose pour s’assurer que je ne touche pas le sol en cas de chute.

Comment éviter cette situation? Une réponse serait : en suivant les enseignements du cours qui dit que l’on devrait avoir la dégaine entre les yeux et les hanches pour mousquetonner. Une autre réponse pourrait aussi être : savoir reconnaitre quand nous devrions arrêter une grimpe (à bout de force, une difficulté vraiment trop grande pour notre technique). Je voulais avant tout, avoir une chance de finir cette voie, mes motivations peuvent être dangereuses si elles me rendent aveugle aux dangers.

Il faut rester lucide en tout temps afin d’être capable d’analyser la situation dans laquelle nous sommes et/ou nous allons nous retrouver. Si on s’aperçoit que nous prenons des risques, il est important de savoir prendre un temps de réflexion (se mettre à sec). Parler de la voie avec notre assureur, avant  et pendant la grimpe, est également une bonne idée : reparler des enseignements des dernières grimpes, raviver des souvenirs plus ou moins glorieux nous rappellera qu’elles sont les limites que nous ne devrions pas dépasser, de communiquer nos intentions afin que notre assureur puisse mieux se préparer.

Dans une de mes premières grimpes en premier de cordée, j’étais dans une 5.7 avec des prises placées de façon très étrange pour moi et j’y étais très inconfortable. En fait, j’avais une réticence à m’engager dans une portion que je savais « pas naturel pour moi ». Et je me suis demandé ce que je pouvais faire pour résoudre mon problème. En faite, je devais me forcer à chuter, car ma peur de tomber était la raison qui m’empêchait de m’engager. Pourtant, lors du cours de premier de cordé, nous avons pratiqué les chutes sans que cela me dérange. Et plus la chute est grande et plus elle est exaltante ;) Je pense donc que, ce qui me manque, est l’habitude de ‘voler’, avoir confiance dans la chute (et ce n’est pas celle en mon assureur qui me fait défaut, car j’ai déjà pleinement confiance ;) ). Donc j’ai dit à mon assureur François que j’allais grimper jusqu’en haut de la voie sans mousquetonner la dernière dégaine et chuter. Je voulais vaincre ma réticence à chuter, afin qu’elle passe, que cet acte devienne banal. Je l’ai fait 2 ou 3 fois et depuis, je le répète au moins une fois à chaque séance de grimpe (sur un mur vertical, pas un devers). Je suis sûr qu’à la longue, cet exercice me permettra d’augmenter ma confiance envers les chutes et me permettra de m’engager dans des sections difficiles avec confiance et sérénité et c’est, je pense, un préalable si je veux pouvoir aborder des voies plus difficiles en premier de cordées.

Et j’en reviens au titre de ce billet : « La sérénité est-elle un fantasme ? » J Nous verrons bien !!


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