Fort de ce bagage, et après 2
sessions de grimpe à l’intérieur, les apprentissages sont nombreux. La technique (le comment) prend la place qu’il se
doit. On l’utilise à tout moment et les gestes finissent par devenir
automatiques. Il est donc très important de faire les bons gestes dès le début. Le mental est un autre aspect qui revêt une
énorme importance. Il est à mon avis, et avec ma courte expérience, une source
possible de gros problèmes et des meilleurs enseignements. Il est important
d’avoir un temps de réflexion après une grimpe (autant comme assureur que comme
grimpeur). Parler ensemble de ce qui a bien et moins bien été. Tout cela dans
le but de s’améliorer et de faire de nous de sages grimpeurs ;)
Après quelques sessions de grimpe, je
dirais que le mental a été notre source d’enseignement la plus intéressante. Vous
pourriez me dire « le mental, c’est bien beau, mais après tout, la grimpe
n’est que question de capacité musculaire, non ???? » Pas vraiment !!! (J’aime
le ton de cette phrase ;) ) Et voici un exemple : je suis dans la 5.9 du
mur de premier de cordée. C’est la voie la plus simple sur le mur en devers
réservé au premier de cordée. J’ai envie de faire cette 5.9 sur le mur de lead car, chez Allez-Up,
c’est comme grimper le Mont Washington ;)… Il y a aussi, sur ce mur, plusieurs
‘Mont-Blanc’ et quelques ‘Eve rest’
;). Donc, je suis sur ma 5.9 avec un gros devers et je suis proche de la 5e
dégaine. Je sens que mes bras sont pompés, mais surtout je suis nerveux. Peut-être
la nouveauté; on regarde ce mur de loin quand on commence à grimper chez
Allez-Up, en se disant que ce n’est pas encore pour nous. En tout cas, le fait
est que là, je suis dedans : accroché à mes prises avec quelque chose qui
ressemble un peu à l’énergie du désespoir ;) !!! Je sens que ma grimpe dans
cette voie risque de se terminer bientôt. Pour atteindre ma 5e dégaine, je dois
monter encore plus loin, m’engager un peu plus, risquer une plus grosse chute.
Et quel est mon réflexe? Je reste dans la situation qui me semble la plus
stable; l’endroit où je me trouve (légèrement au-dessus de ma 4e dégaine).
Je prends 3 - 4 secondes pour évaluer la situation. Je me fatigue ;). Je dois
passer à l’action rapidement. Je me décide et je prends beaucoup de mou sur la
corde, car je suis loin de la 5e dégaine. J’ai les jambes qui tremblotent et je
sens mes forces m’abandonner. Je suis maintenant dans une situation délicate;
j’ai beaucoup de mou sur la corde et je dois absolument mousquetonner. Je
deviens nerveux. Dans ce genre de situation, on se doit de réussir, car chuter
à la 4e dégaine avec beaucoup de corde, c’est comme chuter à la 3e (voir la 2e)
dégaine. C’est vraiment pas une bonne idée. Et avec 40-50 livres de différence
avec mon assureur, c’est encore moins une bonne idée (je devrais peut-être
engraisser mon assureur, hum, je vais y penser ;) ). Finalement, je finis par
mousquetonner ma 5e dégaine, mais nous avons tous les deux eu des sueurs
froides. Je suis conscient des risques que j’ai pris. Mon assureur, au moment
où j’ai beaucoup de mou, ne peut pas faire grand-chose pour s’assurer que je ne
touche pas le sol en cas de chute.
Comment éviter cette situation? Une
réponse serait : en suivant les enseignements du cours qui dit que l’on
devrait avoir la dégaine entre les yeux et les hanches pour mousquetonner. Une
autre réponse pourrait aussi être : savoir reconnaitre quand nous devrions
arrêter une grimpe (à bout de force, une difficulté vraiment trop grande pour
notre technique). Je voulais avant tout, avoir une chance de finir cette voie, mes
motivations peuvent être dangereuses si elles me rendent aveugle aux dangers.
Il faut rester lucide en tout temps
afin d’être capable d’analyser la situation dans laquelle nous sommes et/ou
nous allons nous retrouver. Si on s’aperçoit que nous prenons des risques, il
est important de savoir prendre un temps de réflexion (se mettre à sec). Parler
de la voie avec notre assureur, avant et pendant la grimpe, est également
une bonne idée : reparler des enseignements des dernières grimpes, raviver
des souvenirs plus ou moins glorieux nous rappellera qu’elles sont les limites
que nous ne devrions pas dépasser, de communiquer nos intentions afin que notre
assureur puisse mieux se préparer.
Dans une de mes premières grimpes
en premier de cordée, j’étais dans une 5.7 avec des prises placées de façon
très étrange pour moi et j’y étais très inconfortable. En fait, j’avais une
réticence à m’engager dans une portion que je savais « pas naturel pour
moi ». Et je me suis demandé ce que je pouvais faire pour résoudre mon
problème. En faite, je devais me forcer à chuter, car ma peur de tomber était
la raison qui m’empêchait de m’engager. Pourtant, lors du cours de premier de
cordé, nous avons pratiqué les chutes sans que cela me dérange. Et plus la
chute est grande et plus elle est exaltante ;) Je pense donc que, ce qui me
manque, est l’habitude de ‘voler’, avoir confiance dans la chute (et ce n’est
pas celle en mon assureur qui me fait défaut, car j’ai déjà pleinement
confiance ;) ). Donc j’ai dit à mon assureur François que j’allais grimper jusqu’en
haut de la voie sans mousquetonner la dernière dégaine et chuter. Je voulais vaincre
ma réticence à chuter, afin qu’elle passe, que cet acte devienne banal. Je l’ai
fait 2 ou 3 fois et depuis, je le répète au moins une fois à chaque séance de
grimpe (sur un mur vertical, pas un devers). Je suis sûr qu’à la longue, cet
exercice me permettra d’augmenter ma confiance envers les chutes et me
permettra de m’engager dans des sections difficiles avec confiance et sérénité
et c’est, je pense, un préalable si je veux pouvoir aborder des voies plus
difficiles en premier de cordées.
Et j’en reviens au titre de ce
billet : « La sérénité est-elle un fantasme ? » J Nous
verrons bien !!
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