Nous partons de Montréal samedi matin dans une auto
ultra chargée : 4 personnes, 4 tentes, 4 sacs d’escalade, 4 sacs de couchage, 4
tapis de sol, etc..., etc... Heureusement, les attributs de l’auto à François permettent
le chargement de ce qui assurera notre survie pendant ces 2 jours à la belle
(et fraîche) étoile.
Une auto pleine ! |
Direction, la Montagne d’argent! Un terrain de jeu qui
vaut la peine d’être connu : plein de services pour un prix plus qu’intéressant
: espace généreux pour les tentes avec plate-forme, douche, toilette, sauna,
bois à volonté, site accessible, belle grimpe, chalet pour les plus frileux
(moyennant frais supplémentaires) tout cela, pour un prix aussi bas que 55 $
par an pour une famille ou 30 $ par an pour une personne.
Après 1 h 45 de voiture, nous voici arrivés. La
décision est prise de remettre l’installation de nos tentes à plus tard et de
grimper sur-le-champ. Il fait environ 5-6 degrés et il est 11 h du matin. Nous
partons à la recherche, dans la topo, d’une voie adaptée à nos désirs et à la
situation : une 5.7 ou 5.8 semble raisonnable et une multi-longueur
représenterait un intérêt certain pour quelques-uns d’entre nous. Notre choix
est fait : ce sera le secteur du fou ! Nous aurons 2 cordées de 2 personnes sur
2 voies sports parallèles qui se rejoignent sur un plateau avant d’attaquer la
2e longueur : une 5.9 mixte... Parfait!!!
Le départ de la 1er longueur |
Le départ demande à nos corps de se frayer un chemin
dans les 2 premiers mètres avec une combinaison de légères contorsions. La
première longueur est facile tout de même et on se retrouve sur le 1er plateau
pour notre repas : il ne fait pas chaud, mais nous sommes tous bien contents
d’être là.
La fameuse traverse ! |
Le temps est venu d’évaluer la seconde longueur : une
5.9 en mixte, donc quelques plaquettes, mais pas assez pour être sécuritaire.
Surtout qu’il s’agit d’une traverse qui semble « joyeuse » au possible. Une
première tentative est faite : la traverse ne sera pas facile : l’adhérence,
dont certains de mes compagnons de grimpe (hein francois... ;) )abusent régulièrement, est absente
aujourd’hui. Et sans elle, cette traverse, sans réelle « bonne prise » de pieds
est, sans contredit, casse-gueule. Le départ nous offre deux plaquettes, mais
le mousquetonnage de la 2e dégaine est exposé! Pour cause, une
coulisse d’eau rend l’adhérence impossible et un petit gratton humide pour le
pied gauche se trouve à être la seule option viable : autrement dit, rien de
très stable. Après 4 ou 5 tentatives, je décide de tenter ma chance à mon tour.
Pourquoi je voulais la faire ? Je me le demande encore, car ce n’était pas
vraiment raisonnable ! Je concède que je ne suis pas la personne la plus
raisonnable ! Mais il y a, je pense, une
autre explication : la difficulté n’est pas d’ordre technique : c’est une 5.9
qui semble joyeuse comme je le disais. De façon moins imagée, les prises de
main semblent bonnes, elle nécessite une gestuelle intéressante et l’exposition
est moyenne à 1ère vue (exposition étant, pour moi, le risque aux incidents ou
accidents). Mais l’exposition est souvent sous-évaluée du pied de la paroi; une
fois rendus dans le cœur de la voie, les problèmes sont, assez souvent, plus complexes.
;) Les premières tentatives ont été difficiles et c’est ce qui m’attire à
essayer cette voie : l’opportunité de faire face à des problèmes, à une
exposition que je devrais affronter, sans savoir vraiment si j’abandonnerais ou
non (mais à ce point-ci, ce n’est pas important). Je veux me retrouver dans la
situation ou je devrais me faire confiance et essayer un déplacement qui
m’exposera à un certain risque de chute.
Beaucoup à dire sur le sujet, mais je vais essayer de
garder le fil de mon histoire ;).
Je commence donc la voie : les 2-3 premiers pas sont
agréables, mais la fameuse exposition se fait sentir après le mousquetonnage de
la 1ère dégaine : la deuxième est loin. Peut-être qu’en été, l‘exposition est
faible, mais avec une paroi humide, c’est drôle comme tout devient plus
difficile. Je pose deux protections : un excentrique et un mécanique entre
la 1ère et la 2e plaquette, question de ne pas dépasser ma limite d’exposition
(risque d’accident ou d’incident). Et malgré ces protections, 2 chutes assez
rudes ont failli avoir raison de moi : chuter entre la 1ère et la 2e plaquette
n’est jamais une bonne idée.
Alors, je fais quoi ? J’arrête, la voie gagne, et je
serais déçu ? Ou alors je réessaie ? Chaque chute est due à une hésitation : je
ne m’engage pas dans le dernier mouvement qui me permettrait d’installer la 2e
dégaine et de mousquetonner ma corde. La position est précaire : les chutes ne
peuvent être arrêtées par mon assureur, je suis trop haut au-dessus de ma 1ère
dégaine avec trop de corde sortie!! La seule option, à ce point-ci, si je veux
sortir de cette voie avec un acquis, un bagage de plus, une expérience plus
positive, sera de tenter le mouvement, de prendre du mou sur la corde pour mousquetonner
la deuxième dégaine malgré l’augmentation du risque (un contact avec le sol, dans
les limites acceptables).
Après tout, je ne suis qu‘à 10-12 pieds du sol environ
et sur une dalle (bon c‘est vrai que la chute risque de me râper
généreusement). Mais je me dis que ça fait partie de l’escalade aussi :
apprendre à surmonter nos peurs, conséquences toutes naturelles d’un risque
auquel on s’expose. Ce risque n’étant pas fatal, il est raisonnable de s’y
exposer : on contrôle la peur et on progresse dans notre voie, mais surtout, on
repousse nos limites. On pourrait dire : un petit pas dans une voie, mais un
pas de géant pour le grimpeur ? ;)
Je finis donc par me retrouver face à face avec cette
fameuse 2ieme plaquette : je suis haut au-dessus de ma 1ère dégaine, mais je me
concentre sur la réalisation du prochain mouvement : mousquetonner la corde.
J’aborde tout cela de façon décidée avec un petit avantage : j’avais installé
la dégaine dans la 2e plaquette dans mes tentatives précédentes, donc il ne me restait qu’à mousquetonner la corde. Facile!
;). Je demande du mou à mon assureur, je tire la corde et je sens que mes
points d’appui sont précaires, mais j‘essaie de rester concentré sur la
justesse de mes mouvements, et de mousquetonner la corde de façon optimale afin
de réduire le risque au minimum. Et ça marche : le soulagement est soudain et
palpable ;)
Malheureusement, le reste de la voie ressemble
beaucoup au début : très difficile sans adhérence. Ce n’est plus très
raisonnable : après environ 2 h sur la voie, il a fallu abandonner, car il se
faisait tard et on ne voulait pas se faire prendre par la nuit tombante. Je
descendrai en enlevant les protections une par une, et mon assureur ne la grimpera
pas : je m’excuse encore. ;) Enlever les protections dans une traverse n’est
pas chose facile, car à chaque fois que j‘enlève une protection, je me retrouve
avec pas mal de corde sortie : mon assureur doit rapidement avaler la corde et je
dois éviter la chute pendant ce temps, pas très facile sachant que l’adhérence n’est
pas là. Cela a dû me prendre 30 minutes pour redescendre en enlevant les
protections. Toutes les nuts étaient
bien coincées, car j’étais «à sec» assez souvent : très difficile à déloger.
Finalement, un grand soulagement m’habite à mon retour au sol.
Merci à mon assureur hyper patient!
Je suis finalement bien content d’avoir fait cette
voie : j’ai sûrement rempli, un peu plus, ma réserve de confiance, mais il faut
veiller à rester dans les limites sécuritaires. Ne pas être aveuglé par un
surplus de confiance et se mettre dans des situations trop dangereuses. Voilà,
pour moi, la morale de ma petite expérience dans cette traverse.
La suite de notre fin de semaine dans un autre
article. ;) Je « parle » trop!!
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